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Méfiez-vous des success stories !

Publié le lundi 29 août 2022 . 5 min. 39

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Le récit le plus fréquent dans le monde des affaires, c’est incontestablement la success story. Nous lisons des biographies de leaders visionnaires, comme Steve Jobs ou Elon Musk. Nous nous précipitons sur les articles qui racontent le succès fulgurant d’une start-up ou son entrée en bourse réussie. Même dans les business schools, nous étudions des cas réels, parfois pour comprendre un échec, mais plus souvent pour tirer les leçons d’un succès.

On connaît depuis longtemps les limites de l’exercice. La principale, c’est l’effet de halo : quand on étudie une belle histoire de succès, on a tendance à penser que toutes les pratiques de l’entreprise considérée ont concouru à ce succès. Le « halo » positif de la réussite colore notre évaluation de toutes les composantes de l’histoire. Par exemple, les biographes d’Elon Musk ne manquent pas d’insister sur sa tendance à s’affranchir des règles communes : avant même de racheter Twitter pour une somme qui laisse perplexes la plupart des analystes, Musk fumait du cannabis en direct à la télévision et enfreignait la réglementation boursière en diffusant sur Twitter des informations stratégiques sur Tesla. Ce qui est important, c’est qu’on présente généralement ces écarts comme indissociables du génie de l’entrepreneur : c’est le même rejet des conventions, nous dit-on, qui permet à Musk de révolutionner des pans entiers de l’économie. Bref, ce n’est pas en dépit de ses écarts de conduite que Musk réussit, mais grâce à eux.

Pour en être sûr, en principe, il faudrait pouvoir étudier un large échantillon d’entrepreneurs à la personnalité aussi inhabituelle que Musk ; et déterminer si ces individus réussissent ou non mieux que la moyenne. Comme c’est impossible, nous en sommes tous réduits à utiliser notre bon sens pour essayer de faire la part de l’essentiel et de l’accessoire. Quand nous lisons une success story, nous nous croyons capables de distinguer ce qui compte vraiment de ce qui n’est qu’un détail. Dans l’histoire de Steve Jobs (autre archétype inusable de succès), c’est la créativité produit qui semble décisive, pas le pull-over noir.

Encore faut-il que nous soyons réellement capables de faire ce distinguo, et de ne pas nous laisser influencer par des facteurs sans importance. Cinq chercheurs américains, sous la direction du sociologue Duncan Watts, ont cherché à le vérifier. Pour cela, ils ont soumis à des volontaires une série d’histoires de start-ups, dans lesquelles ils faisaient simplement varier une caractéristique du fondateur. Pour certains participants, le fondateur était présenté comme un college dropout, c’est-à-dire comme ayant abandonné ses études pour monter son affaire (à l’instar de Bill Gates ou Marc Zuckerberg). D’autres participants lisaient une version de la même success story dans laquelle le fondateur était diplômé de l’université (ce qui est le cas de la plupart des entrepreneurs et de l’immense majorité de ceux qui réussissent le mieux).

Les chercheurs ont ensuite demandé aux participants quelles leçons ils tiraient de ces histoires. Leurs réponses semblent parfaitement rationnelles : les sujets expliquent volontiers que l’histoire qu’ils ont lue n’est qu’un exemple, qu’il faut se garder d’extrapoler. En théorie, ils savent qu’on ne devrait pas en tirer de conclusions sur les chances de succès des college dropouts par rapport à celles des diplômés.

Là où le bât blesse, c’est que lorsqu’on demande ensuite à ces mêmes participants de faire des choix d’investissement, les paris qu’ils prennent sont bien influencés par l’histoire qu’ils viennent de lire. Quand ils ont lu la version « diplomé » de la success story, les participants sont 87% à choisir d’investir dans une start-up créée par un diplômé. Quand ils ont lu la version « college dropout » de l’histoire, ils ne sont plus que 32% à choisir de parier sur un diplômé ! En d’autres termes, immédiatement après avoir expliqué que la success story n’est qu’un exemple isolé dont il ne faudrait pas tirer de leçons générales, les participants démontrent, par leurs décisions, qu’ils en ont bel et bien tiré une leçon générale.

Tirons, nous aussi, de cette étude une conclusion générale : même quand nous nous pensons capables de prendre du recul sur une success story, de ne pas être exagérément influencé par des aspects de l’histoire que nous savons accessoires, nous sommes sensibles à toutes ses composantes. Même quand nous essayons de ne pas nous laisser influencer, nous ne pouvons pas nous empêcher de l’être.

Bien sûr, nous n’allons pas renoncer aux « success stories ». Mais leur puissance est telle que nous devons faire un effort spécial pour en faire bon usage. Plutôt que d’y chercher des leçons à prendre au pied de la lettre, voyons-les comme des sources d’inspiration. Essayons, d’ailleurs, de lire autant d’histoires d’échecs que de succès : il y a aussi beaucoup de leçons à y trouver… Et surtout, traitons les unes et les autres comme un terrain fertile pour exercer notre esprit critique. Déterminer, dans l’histoire d’une autre entreprise, ce qui pourrait s’appliquer à la vôtre, c’est un vrai travail de réflexion et d’analyse. Aucune success story toute faite ne peut le faire pour vous.


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