En réunion, ordi ou bloc-notes ? Peut-être la question vous paraît-elle un peu vintage. La bataille navale de laptops ouverts est devenue le standard de la réunion de travail. Pourtant, sans faire dans le traditionalisme de la plume d’oie et de l’encrier, il y a des raisons de se poser la question. Des études de plus en plus nombreuses suggèrent en effet qu’on est plus efficace quand on utilise l’instrument scripteur recommandé par l’Education Nationale.
Raison la plus évidente d’abord : la tentation du multitasking, voire de la franche distraction. Tiens, cette notification d’email urgent… et cette fenêtre Facebook si tentante… De quoi parlait-on, déjà, dans cette réunion ? Rappelons que les interruptions font, en gros, baisser notre QI de 10 points. Chose amusante, d’ailleurs, votre multitasking ne nuit pas qu’à vous, mais aussi à vos voisins : dans un test réalisé par deux universités, on a constaté que des étudiants utilisant du papier, mais assis à côté de ceux qui utilisent un laptop, voient leurs notes baisser de 11%.
Mais il y a bien plus intéressant. Il semble que le travail de synthèse que nous sommes obligés de faire en prenant des notes favorise la compréhension, donc l’assimilation. On peut taper assez vite pour tout noter sans comprendre, mais pour écrire, il faut choisir, donc réfléchir. A l’appui de cette thèse, on a pu mesurer que des étudiants de Princeton et de UCLA, affectés aléatoirement à une prise de notes manuelle ou électronique, comprennent et retiennent bien mieux le contenu d’une conférence quand ils sont dans le groupe « low tech ». (Si on suggère gentiment à ceux qui prennent des notes électroniques de réfléchir avant de taper, ça ne fait guère de différence.)
Dans une autre étude récente, les chercheurs ont suivi des étudiants, là aussi affectés aléatoirement à une méthode ou à l’autre, pendant 6 mois. L’écart de performance entre les deux groupes devient très significatif. Dans des sections où toute électronique est bannie, la note moyenne est supérieure de 0,2 écart-type, ce qui est considérable.
Comment sait-on que cet effet provient d’une meilleure assimilation, et non seulement des distractions évitées ? Simple. Dans certains des groupes de la dernière étude citée, les étudiants pouvaient utiliser des tablettes, posées à plat et visibles du prof, ce qui interdisait tout multitasking. Là non plus, aucune différence. Même concentrés à 100% sur la prise de notes électronique, ils sont moins bons qu’en écrivant à l’ancienne.
Les implications ne sont pas négligeables, car l’écriture manuelle est un art qui se perd, et pas seulement dans vos salles de réunions. Aux Etats-Unis, les deux tiers des personnes interrogées n’ont rien écrit à la main depuis au moins six mois, et l’apprentissage de l’écriture cursive n’est plus obligatoire. 85% des élèves qui passent le SAT (le bac US) répondent aux (rares) questions qui ne sont pas des QCM en majuscules, comme les corbeaux qui envoient des lettres anonymes dans les films de série B.
Vous pensez que tout ceci ne s’applique pas à vous ? Certes, ce sont des étudiants. Mais faites-leur confiance : ils sont plus rapides sur leurs ordis et plus entraînés que vous pour le multitasking. S’il y a une différence, elle n’est donc peut-être pas à votre avantage…
Sauf, bien sûr, si… cette réunion ne sert de toute façon à rien ! Par ce temps, et à quelques jours des vacances, on vous pardonnerait presque de le penser…
Publié le mercredi 19 janvier 2022 . 4 min. 02
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