Avec la crise du corona virus, un certain nombre de voix ont eu vite fait d’accuser la mondialisation et ses méfaits et, en conséquence, de prôner un sain retour à une dé-globalisation. Porter un regard critique ne peut jamais faire de mal, et il est certain que les questions notamment d’ordre environnemental méritent plus que jamais d’être posées dans la période actuelle. Mais, avant toute chose, il peut être intéressant de se demander ce que ce mouvement de dé-globalisation, s’il advenait, impliquerait pour l’industrie européenne. À titre exploratoire, nous avons ainsi étudié quelle était la situation des plus grandes multinationales mondiales. Voici déjà quelques conclusions tirées de l’observation des 25 plus importantes, selon le classement annuel de la revue Fortune.
Quand on observe ces entreprises depuis l’an 2000, il apparaît que les entreprises européennes ont connu une sorte d’âge d’or à la fin de la première décennie. Entre 2006 et 2009, la moitié de ce top20 était composée d’entreprises européennes. Depuis, nous pouvons observer que la part des multinationales européennes est revenue autour du tiers, ce qui était approximativement déjà la situation au début de la période. Comparativement, le mouvement est à peu près inverse pour les entreprises américaines, qui ont repris progressivement une place conséquente dans ce classement. Pour ce qui est des entreprises asiatiques, elles représentaient plus de 40 % du total en 2000. Depuis ce pic, elles ont connu un fort tassement et progressent lentement depuis les dix dernières années sans encore avoir retrouvé leur sommet d’il y a 20 ans.
Quand on observe plus spécifiquement l’activité économique récente de ces grandes multinationales, on aperçoit un contraste frappant. Sur la base des chiffres de 2019, on constate que les multinationales européennes réalisent presque 50 % de leur chiffre d’affaires dans leur région d’origine et globalement environ 25 % dans chacune des deux autres régions, Amérique et Asie. La situation est extrêmement contrastée avec les entreprises de ces deux autres régions. En effet, les entreprises américaines réalisent près de 75 % de leur chiffre d’affaires dans leur région d’origine, contre 16% en Europe et moins de 10 % en Asie. Quant aux entreprises asiatiques, c’est près de 80 % de leurs revenus qu’elles réalisent dans leur région d’origine pour 13% en Amérique et moins de 10 % en Europe.
Quelles leçons tirer de ces chiffres ? Deux, au moins : d’une part, que les entreprises européennes affichent un niveau de globalisation beaucoup plus élevé que leurs homologues américaines et asiatiques. On peut y voir un signe encourageant de la qualité du management européen, qui permet à ces entreprises de réussir sur des marchés éloignés et de gérer avec succès la complexité culturelle réglementaire et institutionnelle qu’implique cette présence géographiquement diversifiée. Mais cela signifie aussi que les entreprises européennes dépendent beaucoup plus des marchés extérieurs que leurs homologues américaines et asiatiques.
En conséquence, nous pouvons bien sûr discuter des vertus de la dé-globalisation ; mais il faut rester conscient d’une chose. Si un tel mouvement venait à se déclencher de manière conséquente, ce sont d’abord les entreprises européennes qui en souffriraient le plus.
Autant le savoir !
COEURDEROY, R., X.YANG
A perspective on impact of covid-19 on European business: The risks of de-globalization and the promises of regionalization
ESCP Impact Paper No. 2020-51-EN
https://academ.escpeurope.eu/pub/IP%202020-51-EN.pdf
Publié le lundi 20 juillet 2020 . 4 min. 00
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