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La fonction des "objets frontières"

Publié le mercredi 6 avril 2022 . 4 min. 50

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Le concept d’objet frontière a été proposé par Star et Griesemer en 89 dans le cadre d’une étude ethnographique de la coordination dans la recherche scientifique. L’idée est que des communautés différentes, chacune avec des références conceptuelles, sémantiques, culturelles spécifiques peuvent avoir du mal à travailler ensemble mais se retrouver sur des « objets », qu’ils soient concrets comme des cartes, des schémas, des représentations ou qu’ils soient abstraits, comme des classifications, des répertoires ou des catégories.


Imaginons un projet d’innovation qui va mobiliser des acteurs venus d’horizons très différents : des marketeurs, des développeurs, des contrôleurs de gestion, des ingénieurs de production, mais aussi des clients fidèles, des riverains des usines concernées, des ONGs vertes, etc. Tout ce beau monde venu pour partie de l’entreprise, pour partie de l’extérieur voit le projet depuis sa fenêtre. Les acteurs internes le voient même depuis leur fonction. Et les externes le perçoivent depuis leur extérieur respectif. Au début tout est ouvert, les représentations du projet que s’en font les acteurs ont toutes les raisons du monde de diverger. Progressivement, au fur et à mesure du travail et des interactions, des productions intermédiaires vont apparaître, ce sont des objets frontières autour desquels les représentations vont se cristalliser et s’affiner : d’un côté il y aura appropriation commune de ces objets ; d’un autre côté, chacune de ces appropriations sera fortement dépendante aux biais portés par chacun, et, pour une bonne part, liés à leur communauté d’appartenance.


Les objets frontières opèreront donc comme des médiateurs, des vecteurs de traduction et d’interprétation rendant la coopération possible, mais avec des marges d’interprétation qui laisseront des espaces ouverts à bien des ambiguïtés voire des incompréhensions. En même temps, la coopération sera rendue possible par ces aménagements interprétatifs permettant à chacun de penser s’y retrouver.


On le comprend, ces objets frontières, à la frontière entre différents groupes parties prenantes, émergent pour faciliter le dialogue, la compréhension, non pas par l’alignement mais par la flexibilité dans l’interprétation que chaque groupe social peut en faire. Et plus fondamentalement, ces objets frontières véhiculent avec eux une infrastructure invisible faite de normes, de conventions, de standards implicites mais bien présents, participant de la traduction dans des contextes et des cultures différentes qui permettent aux acteurs de se rencontrer, sinon de se comprendre. Il y a là un point crucial qui participe du « en même temps » pour rendre compte de la complexité et de l’ambiguïté des relations qui se nouent : ces traductions sont flexibles et interprétatives, elles sont diverses et hétérogènes. En cela, l’objet frontière est au moins autant source de malentendus, que source de cotravail dans un espace de compréhension commune apparente.


Quand en octobre 2021, le Emmanuel Macron présente le plan France 2030, il prend soin de l’illustrer par des objets cibles (l’avion bas carbone, des petits réacteurs nucléaires modulaires, des batteries pour l’automobile électrique, des biomédicaments, des traitements du cancer, etc.). Ces illustrations participent d’une volonté claire de poser des objets frontières qui parlent aux spécialistes comme au grand public, aux chercheurs comme aux industriels, aux producteurs comme aux clients potentiels, même si les interprétations qu’en font les uns et les autres sont inévitablement différentes. Nous sommes là dans de la communication politique destinée à susciter l’adhésion.


Mais ne nous y trompons pas. La communication peut abuser des objets frontières. Quand les médias ne cessent de manier des termes comme l’intelligence artificielle, l’internet des objets, le machine learning, le big data, ou les cobots, ces concepts évocateurs perdent tout espoir de rallier des représentations au moins en partie congruentes. Ces termes attrape-tout, remplis d’un fatras perturbant, ne sauraient être entendus comme des objets frontières mais pour ce qu’ils sont : des mots valises à déconstruire. A mal nommer les choses, disait Camus, on ajoute au malheur du monde.


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