Plus de soixante ans après sa création, l’Union européenne reste une zone au sein de laquelle règne une féroce concurrence fiscale entre ses pays membres. Au-delà de l’harmonisation, partielle, des règles de TVA, les pays européens n’ont jamais réussi à débuter un minimum de convergence fiscale.
Il y a certes une bonne raison à cela. Le niveau des prélèvements obligatoires – les impôts plus les cotisations sociales – reflète le degré de socialisation jugé adapté par chaque espace démocratique national. A la question de savoir comment et jusqu’où il faut taxer les revenus et le patrimoine des plus aisés, à quel âge et à avec quel argent on peut partir en retraite, comment et combien de temps indemniser les chômeurs, etc., les réponses peuvent être légitiment différentes selon les sociétés.
On peut rêver d’une Europe engagée dans une convergence sociale ou qui taxerait ses riches de la même façon. Ce ne serait possible que dans la mesure où chacun de nous se sentirait d’abord Européen et serait prêt à ce que ses impôts permettent d’indemniser le chômeur grec ou le malade polonais. Cette « société européenne » n’existe pas.
A l’inverse, les entreprises font circuler à peu près sans obstacle leurs biens, leurs services et leurs lieux de production au sein de l’Union. Dans un tel espace économique intégré, mesurer et taxer les profits de la même façon paraît logique. Il n’en est rien. Mises à part les entreprises cotées qui doivent suivre des normes comptables internationales adoptées par l’Europe, pour les autres, les profits ne sont même pas mesurés de manière identique. Et ils sont taxés de manière très différente : entre les 9 % hongrois et le plus de 30 % français, la fourchette est large.
Et c’est sans compter avec le comportement de l’Irlande, du Luxembourg et des Pays-Bas, dont les fiscs permettent aux multinationales d’échapper aux impôts de leur pays d’origine. Les Luxleaks ont révélé des taux d’imposition des profits de 1 à 3 % au Luxembourg, une enquête de la Commission européenne a montré qu’Apple avait bénéficié en Irlande d’un taux d’imposition de ses profits européens de 0,005 %... On n’est plus dans la concurrence fiscale mais dans le vol de recettes de la part de pays soit disant partenaires, encourageant des pratiques de transferts artificiels des profits.
En matière de concurrence fiscale et de lutte contre les paradis fiscaux, le constat est amer : l’Europe n’est pas la solution, elle est le problème.
Publié le mercredi 22 mai 2019 . 2 min. 40
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de Christian Chavagneux



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