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La lente agonie de la pensée libérale en économie

Publié le vendredi 5 juillet 2019 . 6 min. 38

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Le libéralisme des années 1920 a fini dans le mur de la crise financière, de la récession et du chômage. Celui de notre époque connaîtra-t-il le même sort ? On doit aux chercheurs Jean-François Ponsot et Michel Rocca d’avoir montré que pour cela, trois conditions doivent être réunies : que les économistes dominants reconnaissent leurs erreurs, que les politiques économiques changent et qu’une alternative théorique se développe.
 
Les économistes des années 1930 ont bien pris la mesure de l’intensité de la crise qui se déroulait sous leurs yeux mais leurs prescriptions pour y répondre sont longtemps restées très libérales : baisser les salaires pour redonner de la compétitivité, faire de l’austérité budgétaire, éviter de baisser les taux d’intérêt, etc. Une séquence que l’on connaît bien… nous avons connu la même ! Il a fallu attendre l’après-guerre pour que ces erreurs soient reconnues.

Plus près de nous, prenez l’Américain Eugene Fama. Reconnu par ses pairs, l’une de ses conclusions phares était que les bulles financières étaient… impossibles ! Interrogé en 2010 après l’éclatement de celle des subprimes, il répond « je ne sais même pas ce que bulle veut dire. C’est une expression populaire, je ne crois pas qu’elle ait  une signification quelconque ». Bref, la bulle financière qui avait explosé sous ses yeux n’existait pas !

Depuis, la théorie libérale a concédé des erreurs et dans plusieurs domaines. Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international a reconnu que les politiques d’austérité budgétaire provoquaient des effets négatifs sur les économies bien plus forts que prévus. Dans toutes les grandes institutions économiques internationales qui contribuent à donner le « la » en matière de discours économique, on écrit maintenant qu’il peut y avoir trop de finance, que les inégalités représentent un sujet important avec des effets négatifs significatifs sur l’activité économique.

Sur la mondialisation, Paul Krugman reconnaît  que les économistes sont passés à côté d’une montée bien plus importante que prévue des importations en provenance des pays émergents avec des effets sur l’emploi local forts et persistants, ce que nombre d’études empiriques sont venues confirmer. Même la hausse des salaires, le partage du temps de travail et la hausse du SMIC font désormais partie des thèmes acceptables ! Sans oublier la prise en compte des questions climatiques.

Le changement est progressif, lent, pas partagé par tous, mais la théorie économique libérale est sur le recul.

Après la crise de 1929, le contenu des politiques publiques a également contribué au recul du libéralisme, provoquant selon le mot de Gardiner Means, l’un des conseillers économiques du président Roosevelt, « une révolution de point de vue ». Partie des Etats-Unis, elle va bouleverser l’organisation économique dans les pays riches.

Roosevelt met en place une régulation de la finance nationale et internationale. Il soutient les revenus des Américains en établissant une couverture publique pour les risques de chômage et de retraites. La loi fiscale de 1935 contribue à la lutte contre les inégalités sociales en établissant une forte progressivité, avec des taux élevés, de l’ordre de 90 % pour les très hauts revenus, tout en lançant une politique ferme de lutte contre l’évasion fiscale.

On peut multiplier les exemples soulignant non seulement la réactivité de Roosevelt à la crise mais sa volonté politique, et sa capacité tactique, à mettre en œuvre ces réformes révolutionnaires par rapport à la doxa libérale qui dominait les Etats-Unis des années 1920. Sans parler de l’économie allemande sous le nazisme,  pilotée comme une économie de guerre dès 1934-35 et cherchant en même temps à préserver le marché intérieur en maintenant le pouvoir d’achat.

Après la crise des subprimes, l’innovation est d’abord venue des banques centrales. Une fois encore, ce sont les Etats-Unis qui ont ouvert la voie à la politique hétérodoxe de quantitative easing, l’achat massif de titres de dette publique par les banquiers centraux, un financement des Etats par la création monétaire en rupture avec les principes des décennies précédentes.

Les Etats ont également commencé à se décaler du modèle libéral. Ils mènent une politique active de lutte contre les paradis fiscaux dans le cadre de l’OCDE. Cette réhabilitation des frontières fiscales fait suite à celle des frontières commerciales avec un libre-échange contesté par le protectionnisme et les guerres commerciales de la première puissance économique mondiale sous l’ère Trump.

Enfin, contrairement à ce que l’on croît, en dépit de la publication de sa Théorie générale sur l’emploi, la monnaie et l’intérêt en 1936, Keynes voit son influence singulièrement diminuer dans les années 1930. Il a du mal à publier ses articles dans la presse, le Conseil d’analyse économique auprès du premier ministre britannique qu’il a créé disparait en deux ans, ses relais s’affaiblissent. Si Roosevelt le reçoit en 1934, il n’écoute absolument pas ses conseils.

L’idée que l’économie peut évoluer durablement en sous-emploi, que l’Etat doit relancer l’investissement, qu’il faut réguler la finance, etc., bref, le keynésianisme deviendra la nouvelle doxa universitaire et des politiques économiques après la mort de Keynes en 1946. Mais il avait semé les graines théoriques qui ont permis à la fleur de pousser.

Aujourd’hui, on voit mal où se trouvent les bourgeons d’une nouvelle approche. Les économistes stars comme Paul Krugman, Joseph Stiglitz ou Dani Rodrik modifient les hypothèses de l’approche dominante pour conclure à la nécessaire régulation des marchés, mais ils restent dans son cadre. La grande majorité des économistes délaissent la réflexion théorique pour investir les bases de données, à tel point que selon la chercheuse Anne-Laure Delatte, pour un économiste de la nouvelle génération « le travail est probablement de coder la moitié de son temps » !

Les réflexions sur le Green New Deal, un New Deal vert mêlant questions économiques, écologiques et sociales ouvrent une nouvelle façon d’appréhender les choses mais on est loin d’une alternative construite.

La fin du cycle libéral a pris du temps après la crise des années 1930. Elle est entamée aujourd’hui mais on n’est pas encore au bout. A la fin de la Théorie générale, Keynes écrit que « le monde se trouve dans une impatience extraordinaire d’un diagnostic mieux fondé ; plus que jamais il est prêt à l’accepter et désireux de l’éprouver » et d’ajouter « même s’il n’est que plausible ». Quatre-vingt ans plus tard, nous voilà dans la même situation.


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