L’OCDE s’inquiète de la montée des dettes privées, celles qu’accumulent les entreprises en empruntant auprès des investisseurs sur les marchés financiers. L’institution détaille les raisons de ses craintes et elles sont nombreuses.
Première constatation, les entreprises ont fait exploser le compteur de leur endettement obligataire. Avant la crise, les entreprises non financières empruntaient en moyenne 864 milliards de dollars par an. Sur la période 2008-2018, la moyenne annuelle est passée à 1700 milliards. Une augmentation due aussi bien aux entreprises des pays du Nord qu’à celles des pays émergents.
La montée de la dette résulte en partie du fait que le nombre d’entreprises ayant décidé de recourir aux marchés financiers a progressé : d’un peu plus de 1100 en 2007 à près de 1800 en 2018 dans les pays avancés et d’environ 350 emprunteurs à près de 2000 dans les pays émergents. La progression du nombre d’entreprises concernées est particulièrement marquée en Europe et en Chine.
A la fin décembre 2018, le stock total des dettes obligataires des entreprises non financières s’élevait à 12 950 milliards de dollars, le double du montant de 2008. 80 % du stock sont le fruit d’entreprises du Nord. Selon les données de S&P, qui couvrent également l’endettement des entreprises de la finance, les entreprises vont ainsi devoir rembourser 1800 milliards de dollars en 2019, moitié moitié entre les entreprises financières et non financières
Au-delà de montants croissants rapidement, l’OCDE est préoccupée par une dégradation de la qualité des dettes émises.
Les agences de notation partagent les émissions obligataires en fonction du risque de non remboursement en deux grands groupes : les risquées et les non risquées. Chacun des groupes est ensuite découpé en une dizaine de sous-groupes.
Comme pour les Etats, les emprunteurs avec zéro risque de non remboursement sont classés AAA mais les entreprises dans cette catégorie sont très peu nombreuses et en baisse : de 5,4 % du total sur la période 2000-2007 à 2,3 % sur 2008-2018. Ensuite on descend dans le classement pour arriver vers les notes BBB dont le poids est passé de 39 à 44 % sur la même période pour atteindre même 53,8 % en 2018, la part la plus élevée depuis 1980.
En même temps que le poids des entreprises plus risquées montait dans le groupe des moins risquées, celui des moins risquées montait dans le groupe des plus risquées, ce qui est plus rassurant. A une exception près : le marché des emprunts « à fort levier », c’est-à-dire réalisés par des entreprises empruntant beaucoup compte tenu du niveau de leur capital et de leur capacité de profits, a explosé ces dernières années pour dépasser les mille milliards de dollars aux Etats-Unis et 1300 milliards au niveau mondial. La pratique n’est pas sans rappeler certains des mécanismes qui ont amené la crise des subprimes : les banques accordent des crédits à ces entreprises qu’elles revendent ensuite à d’autres investisseurs (fonds de pension, fonds d’investissement…). Une évolution qui inquiète le Fonds monétaire international, la Banque des règlements internationaux, la banque centrale des banques centrales, et la réserve fédérale américaine.
Enfin, s’ajoute à tout cela le fait que les emprunts bénéficient généralement de garanties : ces dernières années, la qualité des protections est, elle aussi, en baisse.
La crise n’est pas pour demain matin. Mais, prévient l’OCDE, avec une croissance qui a tendance à ralentir, de plus en plus d’entreprises pourraient avoir du mal à rembourser leurs dettes. Ce qui serait susceptible de nourrir une instabilité financière toujours dommageable.
Publié le mercredi 20 mars 2019 . 4 min. 00
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