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Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi

Quel sera l'impact à long terme de la crise? Quelles dépenses stratégiques ont été sacrifiées pendant 5 ans, susceptibles d'affaiblir nos potentiels de croissance plusieurs années encore ? Essayons néanmoins d'en donner un aperçu sommaire.

Il y a d'abord l'écrémage des capacités industrielles, d'une violence extrême dans certains pays. On peut en prendre la mesure en comparant le niveau de la production manufacturière aujourd'hui à son pic d'avant crise et en corrigeant cette mesure par le taux d'utilisation des capacités. Toute baisse de production ne se solde pas en effet par une destruction de capacité mais par une moindre intensité d'utilisation des hommes et des machines. On voit alors que le jeu de massacre a été considérable dans le sud de l'Europe, mais aussi que des puissances intermédiaires, comme le Royaume-Uni, la France ou la Suède ne sont pas en reste.

Une destruction de capacités, en ligne avec le très fort décrochage de l'effort d'investissement dans l'ensemble des entreprises non financières de la zone euro depuis 2008. Qui ne relate là que la dépense des entreprises survivantes ou nouvelles, mais qui exclue du viseur celles qui ont été purement et simplement rayées de la carte. Plus de 3,5 point d'investissement en pourcentage de la valeur ajoutée en moins entre aujourd'hui et le pic atteint fin 2007. C'est considérable. Et là encore, sans surprise, dans la hiérarchie le Sud figure en bas de l'échelle européenne. Mais aussi, et de manière plutôt surprenante, que la France n'est pas le pays le plus mal loti d'Europe.

Il faut bien entendu évoquer l'exode des cerveaux. On le sait là aussi, même si les données sont un peu chaotiques, les pays du Sud sont confrontés à une sortie massive de jeunes qualifiés. Alors que plus de la moitié des jeunes Espagnols et Grecs sont au chômage, ceux qui disposent des compétences numériques très demandées cherchent de plus en plus du travail dans des pays plus stables comme l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas. Des milliers de jeunes professionnels Espagnols et Grecs quittent leur pays à la recherche d'un emploi. Mais, de plus en plus d'éléments l'attestent, les compétences du Sud ne prennent pas seulement le chemin de l'Europe. De nombreux espagnols prennent le chemin de l'Amérique latine, des grecs, de l'Australie? C'est une perte nette aussi pour l'Europe.

Il faut pourtant souligner que les dépenses de R&D ont été sanctuarisées dans la crise. L'effort de R&D a presque partout progressé en proportion du PIB. Cela ne veut pourtant pas dire qu'il y a eu un effort discrétionnaire marqué des entreprises ou des Etats. Mais plutôt, que les secteurs intenses en R&D ont beaucoup mieux résisté à la crise.

Tournons-nous maintenant vers les dépenses des Etats. Que voit-on ? Là encore que les dépenses d'éducation n'ont pas fait les frais de la crise. La variation de l'effort public entre 2007 et 2012 montre néanmoins que le gap entre le nord et le sud tend à se creuser toujours plus. Et lorsque l'on scrute de plus près les dépenses publiques, on peut relever aussi que des pays comme la France ont sacrifié des dépenses d'infrastructure. La France a également diminué ses efforts en faveur de la recherche fondamentale.

La conclusion est simple. La crise a écrémé sévèrement les structures productives et plombé dans la durée l'investissement. Les dépenses à hautes portée stratégiques, autrement dit le nerf de la guerre, n'ont pas été les plus pénalisées. En revanche, la molle reprise telle qu'elle se dessine, n'est pas en mesure de reconstituer la substance perdue et elle inscrit dans le marbre le décrochage du potentiel de croissance européen.

Olivier Passet, A-t-on sacrifié les investissements stratégiques en Europe avec la crise ?, une vidéo Xerfi Canal

Publié le mardi 20 mai 2014 . 3 min. 47

Mots clés :

Europe / Zone euro

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