Xerfi Canal TV présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses - Xerfi
Une phase de la mondialisation est bel et bien en train de s’achever… de mort lente, pour l’instant, mais qui pourrait s’avérer brutale, lorsque l’on prend la mesure des artifices qui maintiennent à flot la valeur des patrimoines. Ou lorsque l’on voit comment partout le désarroi des classes moyennes est en train d’altérer le jeu démocratique.
Autrement dit, ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas un régime permanent. Il me semble donc que tous les paradigmes qui éclosent aujourd’hui et qui se calent sur l’existant pour extrapoler le futur doivent être considérés avec prudence. Ceux qui se basent sur le ralentissement du commerce mondial pour pronostiquer l’entrée dans une phase de démondialisation par exemple. Car la démondialisation apparente est d’abord le résultat de dévaluations internes et externes à répétition qui minent les demandes intérieures. Ou ceux qui s’engouffrent dans le paradigme de la stagnation séculaire, en invoquant des limitations du côté de l’offre, que ce soit le progrès technique ou la démographie, comme si ces ressources étaient pleinement exploitées aujourd’hui.
Je partirai ici d’un constat, sans le justifier pour une énième fois. Considérons que le monde est structurellement en déficit de demande ou en excès d’épargne, ce qui est équivalent, est que là est la source fondamentale des taux d’intérêt zéro. C’est dans ce contexte que s’opère aujourd’hui l’allocation du capital dans les pays développés.
Un capital bon marché, qui faute de demande a pour première vocation aujourd’hui d’acheter du capital existant, c’est-à-dire, de partir à la cueillette des rendements existants, et de les doper en jouant les effets de levier… un jeu dont nous avons maintes fois souligné, qu’il conduisait à une concentration toujours plus forte des patrimoines, des marchés, et à une optimisation du capital existant.
Un capital, qui trouve ensuite sur son chemin tout le potentiel de gains de productivité et de rentabilité qu’offrent les machines intelligentes, les robots, les algorithmes qui deviennent également low cost. Ce nouveau champ de l’automatisation est, on le sait, capable de prendre en charge de plus en plus d’activités cognitives et interactives routinières et de pénétrer aussi de plus en plus les activités non routinières. Il ouvre donc de nouvelles possibilités de substitution de l’homme par la machine qui déstabilisent les métiers qualifiés et semi-qualifiés sur lequel s’était déversé l’emploi industriel jusqu’ici. En première loge donc les classes moyennes mises sous pression tant du point de vue de l’emploi que des salaires. Avec pour résultat aussi, une polarisation de l’emploi aux extrêmes, et une montée des inégalités. Tout cela mine la demande privée des ménages et les incite à épargner, même dans un contexte de faible rendement de l’épargne.
Une nouvelle allocation du capital enfin, et c’est la troisième grande tendance que je retiendrai, qui, à travers les nouvelles formes d’organisation-plateforme inhérentes à la révolution digitale, est au cœur de la tendance de désintermédiation du travail que l’on observe aujourd’hui. Je devrais d’ailleurs plutôt parler de nouvelles formes d’intermédiations par le truchement des plateformes numériques, et hors de l’entreprise conventionnelle.
Avec de grandes plateformes tutélaires, les fameux GAFA, qui sont au cœur d’une montée en puissance du commerce des tâches à échelle mondiale, puisqu’elles peuvent mobiliser les savoir-faire partout sur la planète. Des plateformes qui offrent donc un potentiel de développement considérable au commerce international des services. Des grandes plateformes qui ont aussi le pouvoir d’intégrer tous les autres secteurs dans leur système de sous-traitance. Et qui annoncent donc plutôt l’entrée dans une phase d’hyper mondialisation plutôt que dans une phase de démondialisation.
On connaît aussi les effets collatéraux de cette nouvelle forme de mobilisation des ressources :
- Une mise en concurrence toujours plus intense des individus, un resserrement de la rémunération sur les seules tâches non prises en charge par les algorithmes, qui restreint la base de rémunération, et renforce les tendances déflationnistes.
- Une logique d’optimisation du capital existant poussée à son comble.
Nous assistons bien à une mue de la mondialisation, mais qui ne prend pas aujourd’hui le chemin d’une démondialisation… Plutôt le chemin d’une hyper-mondialisation tournée vers l’hyper-optimisation des ressources…. Avec ou sans croissance ? là est le vrai point d’interrogation, car tout dépendra des conventions qui seront bâties pour assurer la répartition équilibrée de la valeur créée.
Olivier Passet, Comprendre les mécanismes de l'hypermondialisation, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le mercredi 09 mars 2016 . 5 min. 21
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