Lorsque les spécialistes de la consommation imaginent ce que sera son futur à l’aune de l’IA, ils poursuivent en général la narration déjà ancienne d’une personnalisation, segmentation toujours plus poussée des biens et des services. Celle d’un processus de transformation qui pousse toujours plus loin la prédictibilité, l’ajustement au plus fin aux désirs individuels, et où toute la chaîne logistique qui l’accompagne est optimisée.
L’IA au service l’optimisation des entreprises
L’IA contribuerait à une expérience d’achat toujours plus fluide, efficace et satisfaisante pour les consommateurs. Une prospective qui ne fait qu’approfondir des tendances déjà anciennes portées par le digital, conjuguant :
• Une personnalisation extrême de l’expérience client où l’IA permet en effet de reconnaître / analyser un volume de données toujours plus massif, pour comprendre / anticiper les préférences et les besoins de chacun. Les entreprises peuvent ainsi analyser de façon exhaustive les feedbacks autour des marques et des produits pour accroître leur réactivité, affiner au plus juste leurs offres et leurs recommandations.
• Un ciblage toujours plus fin des recommandations de produits et de la publicité : les techniques telles que le filtrage collaboratif ou le traitement du langage naturel ont vocation à proposer des produits toujours plus pertinents aux clients.
• Une optimisation des stocks et de la chaîne d’approvisionnement et de distribution : Les algorithmes d’IA peuvent analyser les données des ventes passées, les tendances du marché et d’autres variables pour prédire la demande future avec précision. Cela aide les entreprises à optimiser leurs niveaux de stock.
• Une automatisation du service client et notamment de l’après-vente : Les chatbots et les assistants virtuels alimentés par l’IA générative peuvent répondre de façon toujours plus élaborée aux questions des clients, traiter les retours et résoudre en continu les problèmes courants de manière efficace.
• Enfin, une réduction de la fraude, l’IA permettant de détecter les schémas de fraude dans les transactions financières et les activités en ligne, afin de sécuriser financièrement les entreprises et les clients.
Le potentiel disruptif de l’IA
C’est au fond l’idée d’une omniscience qui triomphe et qui étend ses effets sur toutes les fonctions périphériques de la consommation, du marketing, à la publicité en passant par la distribution, le paiement ou les services clients etc.
Mais ce type de prophétie ne tient pas compte du caractère disruptif de l’IA. Elle raisonne le système de consommation comme si sa structure était immuable. Et chacune des fonctions qui composent ce système verrait son efficacité, sa capacité de traitement automatique se démultiplier, opérant avec un système d’information de plus en plus complet. Dans cette approche en silos, le futur approfondit tout ce que l’on sait déjà faire avec les algorithmes et les données de masse. C’est un peu du Criteo ++, avec des méthodes de reciblage publicitaire toujours plus performantes, une histoire qui est amorcée depuis déjà près de 20 ans. Alors qu’avec l’IA c’est une reconfiguration en profondeur de l’acte de consommation qui se profile. Certainement lente, avec des habitudes, des plaisirs autour du furetage dans les circuits physiques ou dématérialisés qui ne se laisseront pas déloger si facilement.
Mais l’IA laisse entrevoir la possibilité d’une délégation / optimisation de la décision d’achat à la machine. Une machine capable de reproduire et d’anticiper nos désirs, de procéder aux arbitrages prix / qualité à notre place. Les acteurs de l’IA peuvent devenir potentiellement les maîtres du jeu, d’un système dont la décentralisation serait poussée à l’extrême. Avec en amont et en aval une chaîne logistique de distribution, de plus en plus livrée à des robots intelligents, entièrement automatisée, elle aussi assujettie aux acteurs de l’IA. À terme, ce sont toutes les plateformes de vente, qu’elles soient physiques ou digitales, qui sont bousculées en profondeur en tant que logisticiens, exposants, acteurs de présélection, d’anticipation de nos désirs.
L’impact de l’intelligence artificielle sur l’art du marketing
Et c’est l’interaction avec la machine à laquelle nous pouvons déléguer de plus en plus d’arbitrages d’achat que le marketing doit penser. Un enjeu qui dépasse de beaucoup la question actuelle du référencement sur le net. Comment se conçoit l’outil de séduction du marketing, qui s’adresse à la subjectivité, à l’imaginaire des individus, et manipule le symbole pour armer nos désirs, dans cet univers de l’optimisation de l’acte d’achat ? Le risque est de basculer d’une stratégie d’influence soft (via la pub, le marketing, le design), à une pure manipulation digitale des individus, que les entreprises devraient monnayer auprès des acteurs de l’IA.
L’histoire montre que la technologie n’impose pas intégralement sa loi et que l’humain en dépit de ses craintes ne se laisse jamais entièrement submerger. Mais avec l’IA, jamais la consommation n’a été soumise à des forces de transformations aussi puissantes.
Publié le jeudi 4 avril 2024 . 5 min. 22
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