Connaissez-vous November Ultra ?
C’est la révélation féminine des dernières Victoires de la musique.
Recevant son prix, la chanteuse a déclaré: «Il y a très longtemps, ma maman m’a dit : “tu sais, les enfants d’ouvriers, c’est rare qu’ils deviennent artistes”.» Et d’ajouter : «Peut-être que l’année prochaine, c’est vous, ici!» Sur scène.
Fille d’ouvriers, November Ultra est-elle une exception ou une révélation, une vraie, en ce qu’elle nous fait savoir que la mobilité sociale existe en France ?
C’est le sujet de mon billet libéral.
Sans doute est-ce le propre des sociétés bloquées: elles s’intéressent davantage au statique qu’à la dynamique. La France est ainsi obnubilée par les inégalités, moins par la mobilité sociale.
Les Français croient en un Etat protecteur censé corriger ex-post les inégalités par la fiscalité. Ils sont moins sensibles à un Etat émancipateur susceptible de tout mettre en œuvre pour assurer l’égalité des chances.
Levons deux ambiguïtés.
Première ambiguïté : on peut disposer d’un système social surpuissant et d’une mobilité sociale médiocre. C’est le cas de la France. Son budget social est passé de 15 % de la richesse nationale en 1959 à 33 % aujourd’hui. Un des niveaux les plus élevés au monde.
Aucun membre de l’OCDE n’écrase davantage les inégalités. Le rapport entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches passe de 19,6 à 5,5, après prestations et fiscalité. Seule la Norvège fait mieux.
Mais il faut en France 6 générations, en moyenne, pour que les enfants de famille modestes se hissent au niveau du revenu moyen. En Norvège, c’est 3 générations. La moyenne de l’OCDE est de 4.
Le modèle social le plus généreux, le plus onéreux au monde n’est ainsi pas le plus efficace pour effacer le déterminisme social.
C’est peut-être parce que l’ascenseur social est en panne que les Français ne mesurent pas à leur juste valeur les largesses de l’Etat providence.
Et c’est ici qu’apparaît une seconde erreur.
Certes, vu l’argent public déversé, les défaillances du modèle français peuvent être dénoncées à longueur de journée. Pourtant, l’ascenseur social fonctionne encore.
Une étude de l’Insee de mai 2022 nuance. Certes, un fort déterminisme social existe bien, précise l’Institut public. Je cite: «Les enfants de familles aisées ont trois fois plus de chance d’être parmi les 20 % les plus aisés que ceux issus de familles modestes. » Et pourtant, pourtant…
L’Insee l’assure : la reproduction des inégalités de revenus entre générations est moins forte en France qu'aux Etats-Unis.
Je cite un exemple parmi d’autres: « En 2018, 12 % des jeunes adultes issus des familles les 20 % les plus modestes ont grimpé dans l’échelle des revenus et ont rejoint le groupe des 20 % les plus aisés de leur classe d’âge. » Le parcours des enfants d’immigrés est encore plus ascensionnel…
De gros progrès restent à faire, bien sûr, mais le misérabilisme ambiant n’est pas de mise. Et on imagine les résultats si le sujet devenait cause nationale.
La dignité de l’individu, la liberté d’utiliser ses capacités au maximum implique de faire une distinction entre égalité des droits et égalité des chances.
Avec sa victoire, November Ultra aura peut-être contribué à rendre la question moins manichéenne.
Publié le mardi 18 avril 2023 . 4 min. 19
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