Greta Gerwig va-t-elle terrasser Greta Thunberg ? Aux nouveaux anti-capitalistes, alertés par une planète censée être épuisée par un consumérisme débridé, le film Barbie apporte un démenti formel : le capitalisme a une capacité sans limites à digérer et transmuter les éléments supposés le détruire.
C’est le sujet de mon billet libéral.
Avec plus de 1,4 milliard de dollars de recettes dans le monde, Barbie, le film réalisé par Greta Gerwig, devrait finir dans le top 10 des longs métrages les plus vus de l’histoire du cinéma.
Ce succès phénoménal est une dénonciation en règle du patriarcat, dont l’héroïne est l’iconique poupée en plastique.
Est-ce vraiment un plaidoyer féministe ? Le débat fait toujours rage.
Ce que l’on souligne moins, c’est que le blockbuster en rose est un incroyable message pro-marché.
Voilà pourquoi.
Qui paie ? Mattel, le fabricant de la poupée commercialisée pour la première fois en 1959. Ce film est un placement de produit à 100 millions de dollars. Il rapportera donc quinze fois plus, Sans compter la relance des ventes de poupées – on parle d’une progression de 20 %.
Qui filme ? Une productrice égérie du cinéma indépendant, connue pour ses positions féministes. Elle n’a pas craint d’être accusée de mauvaise caution, de cynisme, voire de traîtrise, utilisant avec intelligence le système pour soutenir sa cause.
Son pitch ? Une comédie acidulée, décalée, critique hilarante du patriarcat et de ces stéréotypes qui ont valu à la marque tant de sarcasmes et d’attaques. Mise en abîme pour sa réalisatrice, mise en danger pour Mattel.
Le climax est atteint lorsque la parodie portée par Margot Robbie ridiculise la raison d'être de Mattel – « l'émancipation des jeunes filles » – avec l’objectif donc... d’augmenter les profits du géant des jouets grâce aux achats de ces mêmes jeunes filles !
Des critiques, par ailleurs plutôt adeptes de la décroissance, saluent un divertissement conçu pour plaire à la fois à ceux qui aiment et à ceux qui détestent Barbie.
On est loin de la moraline habituelle alors même que le petit mannequin filiforme symbolise jusqu'à l’excès cette industrie honnie par l'écologisme et ces clichés des Trente glorieuses aujourd’hui considérés comme discriminatoires.
Mais voilà, même Ken comprendrait les leçons :
Opportuniste par nature car soumis au diktat versatile des consommateurs, le capitalisme de concurrence est malléable, adaptable et guidé jusqu'à la contradiction par l’intérêt des acheteurs.
Comme l’a démontré Milton Friedman, si les sociétés monopolistiques s’accommodent des discriminations, le capitalisme de concurrence au contraire fait souvent des groupes minoritaires ou discriminés les grands gagnants de sa transformation. Il les absorbe.
A vrai dire, le capitalisme se corrige et se régénère par les crises.
Et Greta Thunberg alors ? Elle devrait comprendre que le capitalisme finira par digérer son combat d’avant-garde pour la planète. Mieux que la planification, le capitalisme finira aussi par s’adapter aux nouveaux modes de consommation.
Publié le mercredi 11 octobre 2023 . 3 min. 56
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de Rémi Godeau
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