Dans la lutte contre le réchauffement climatique, faut-il interdire les jets des ultra-riches?
En France, le débat prend parfois des tournures étranges. Il faut faire avec. Et profiter des sujets polémiques, souvent biaisés, pour pousser la réflexion.
C’est l’objet de mon billet libéral du jour.
Premier constat : il est légitime de se poser la question. Les économistes sont d’accord : avec la transition climatique, la perte de pouvoir d’achat est inévitable. Reste à savoir comment l’allouer.
En d’autres termes : qui va, qui doit payer.
Dire qu’il faut faire payer les riches est une évidence. Dire qu’il faut faire payer les SEULS riches est une supercherie : elle consiste à faire croire aux Français que taxer les plus fortunés nous exonèrerait d’un effort collectif.
Eh bien non, bien sûr ! Comme le résume Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI : « On peut faire payer les riches, mais soyons honnêtes, collectivement, nous allons devoir payer. »
Ce qui n’épuise pas la question de savoir quelle répartition entre les ménages en fonction de leurs revenus, entre les ménages et les entreprises.
Sans doute par incapacité à dégager un consensus minimal dans un pays qui tourne tout à l’idéologie, la France a choisi, pour l’instant mais une fois de plus la facilité : faire payer les générations futures en ajoutant à la dette écologique une dette financière.
Deuxième constat : oui, il faut faire payer les plus riches. Ils ont les moyens de supporter une hausse des coûts de l’énergie fossile, de transformer leur mode de vie. Faire payer les riches et subventionner les plus précaires via des chèques énergies.
D’accord, mais qui est riche ?
Vous entendez souvent cette statistique implacable: les 10% des plus riches émettent près de la moitié des émissions de CO2. Commentaire associé : pas de discussion possible : les ultra-riches doivent passer à la caisse.
Sauf que ces données, tirées du rapport sur les inégalités mondiales, sont donc… mondiales. Sauf que selon ce même rapport, on est riche en vérité à partir de 3.178 euros par mois…
C’est mon troisième constat : la politique de transition est difficile car il faut savoir qui consomme quoi et quel est le carbone nécessaire à cette consommation.
Selon le ministère de la Transition écologique, l’empreinte carbone annuelle moyenne par habitant est en France de 9 tonnes de CO2.
Une étude publiée dans la Revue de l’OFCE précise :
- Les 10 % des Français les plus riches émettent 25 tonnes de CO2 par an et par personne,
- 70% des Français émettent environ 9 tonnes,
- Et les 20% les plus démunis 3 tonnes.
Individuellement, ce sont bien les riches qui polluent le plus. Mais en masse, les classes moyennes polluent trois fois plus. En conséquence, ne taxer que les riches au nom d’un moralisme excessif ne permet pas de financer la transition écologique.
Donc, pas d’illusion : Le gros de l’effort sera demandé aux classes moyennes, car ceux qui sont déjà contraints financièrement (les 20%) devront au contraire être aidés.
Or cette classe de 70% est hétérogène, en matière de revenus et de pratiques énergétiques.
Voilà pourquoi un ciblage efficace des aides est très complexe et socialement explosif. Et voilà pourquoi le débat mérite mieux que des caricatures.
Publié le mercredi 23 novembre 2022 . 3 min. 54
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