L’intelligence artificielle ouvre de nouvelles approches en matière de stratégie.
D’abord parce que l’IA transforme la nature des produits. Montres, t-shirt, chaussures, livres, compteur d’électricité, voitures… Autant de produits devenus « intelligents » car interagissant avec leur environnement via des data, et potentiellement « connectés » si reliés à des plateformes digitales. Ces produits intelligents et connectés rendent au passage définitivement caduc le clivage industrie/services dans la mesure où ces produits renferment une part de services, parfois gratuits, parfois payants via des systèmes d’abonnement notamment. C’est le cas d’une montre connectée qui fournit des services de coaching à l’utilisateur via l’analyse de ses données d’activité.
L’IA transforme aussi les services dans la mesure où ils sont traités par des algorithmes plutôt qu’à partir de ressources humaines. Cette substitution du capital au travail représente un changement de modèle considérable pour les sociétés de services. Outre l’introduction d’une composante « coût marginal zéro », l’expert-comptable, l’avocat, le conseiller financier ou le cabinet de recrutement doit apprendre à travailler avec le robot, à se laisser inspirer par ses recommandations tout en conservant un sens critique sur ses résultats. L’IA devient assistant du collaborateur pour produire plus vite, davantage, mais aussi pour produire mieux. Le temps libéré par une IA sur des tâches répétitives et logico-déductives est alors consacré à des missions mieux valorisées par le client.
En creux de ces usages de l’IA se dessinent de nouvelles possibilités en matière de stratégies d’entreprise :
• D’abord l’IA va clairement exacerber les logiques de domination par les coûts et déclencher de nouvelles guerres des prix compte tenu des usages autorisés par l’IA, notamment l’automatisation des tâches et l’accroissement des capacités de production. Les pressions déflationnistes vont ainsi s’accélérer dans certains secteurs et des mouvements de concentration risquent d’avoir lieu.
• Paradoxalement, l’IA élargit les possibilités de différenciation. D’abord grâce à un surcroît de qualité lié par exemple à l’emploi d’un chatbot par le service client qui permet de désengorger le centre d’appels et de proposer une relation client multicanal. L’IA ouvre aussi un boulevard aux positionnements low-cost quand une entreprise fait le choix d’un modèle 100% robotisé. C’est ce que font actuellement les Tech du juridique, de la finance et de l’éducation. A l’inverse, une entreprise qui miserait sur le travail humain plutôt que sur l’intelligence artificielle, sur la transparence plutôt que sur la « boite noire » du machine learning, se distinguerait elle aussi (par inadvertance) de compétiteurs trop focalisés sur l’intelligence artificielle.
• L’IA réconcilie aussi la traditionnelle opposition entre lutte par les coûts et différenciation. Des positionnements stratégiques hybrides deviennent concevables en mêlant le sur-prix de la différenciation, grâce à davantage de travail humain, et des logiques de volume permises par l’automatisation de tâches banalisées.
On est donc loin de cette image d’Epinal au sein de laquelle l’intelligence artificielle supplante le travail humain et indifférencie les offres et donc les positionnements stratégiques. Au contraire, les entreprises qui font le choix de la boite noire 100% intelligence artificielle, comment on en voit tant dans les secteurs de la « Tech », singularisent celles qui font le choix d’un modèle économique davantage tourné vers l’intelligence humaine. N’oublions pas que la technologie n’est pas une source d’avantage concurrentielle mais un outil qui permet tout au plus de nouvelles approches stratégiques. Et c’est ça l’apport le plus décisif de l’intelligence artificielle.
Publié le mercredi 3 avril 2019 . 3 min. 43
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