La resource based strategy ou approche de la stratégie par les ressources, postule qu’une part substantielle du succès d’une entreprise résulte des ressources spécifiques et rares qu’elle est en mesure de mobiliser. Elle s’oppose en cela à l’école d’économie industrielle de Harvard vulgarisée par Mickael Porter, qui met plutôt l’accent sur l’analyse externe, et la capacité de la firme à faire face à un environnement concurrentiel turbulent. Cette approche de la stratégie par les ressources a été initiée par l’économiste Edith Penrose en 1959, et diffusé à partir du milieu des années 1980 notamment par Birger Wernerfelt et Jay Barney.
L’approche par les ressources introduit l’idée que l’avantage concurrentiel résulte de deux facteurs essentiels : soit l’entreprise possède une ressource dont les propriétés intrinsèques la placent en position dominante sur le marché, soit l’entreprise dispose de capacités singulières pour exploiter une ressource. Autrement dit, le fait que certaines entreprises parviennent à surpasser leurs concurrentes viendrait de dotations différentes en ressources elles-mêmes hétérogènes, et de capacités internes variables à les exploiter.
Conduire une stratégie qui s’appuie sur les ressources débute donc par l’analyse des ressources clés. Celles-ci correspondent à des actifs que l’entreprise possède de façon permanente ou qu’elle contrôle. Ces ressources peuvent être de nature très variées : financières (capacité d’endettement, capacité d’autofinancement), humaines (nombre et niveau de qualification des salariés), physiques (comme la localisation géographique), organisationnelles (comme la certification du management de la qualité), technologiques (brevets, savoir-faire) ou encore réputationelles (notoriété). Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive.
Pour qu’une ressource puisse être à l’origine d’un avantage concurrentiel, plusieurs caractéristiques ont été identifiées :
• s’il est important qu’une ressource soit créatrice de valeur,
• il est aussi nécessaire qu’elle soit rare (ou que la manière de l’exploiter par l’entreprise soit singulière) afin de faciliter la différenciation avec les entreprises concurrentes.
• En outre, pour limiter la possibilité de les dupliquer, ces ressources doivent être inimitables et non-substituables. Aussi, plus les ressources dont dispose l’entreprise sont « VRIN », plus l’entreprise sera en mesure de générer un avantage concurrentiel durable.
Il s’agit ensuite pour l’entreprise d’être capable de protéger et d’exploiter ses ressources dans les meilleurs termes. Pour cela, il est nécessaire de disposer de compétences internes adéquates : l’avantage concurrentiel découle au moins autant du fait de disposer de ressources VRIN que de la capacité de l’entreprise à les développer. C’est pourquoi, il est pertinent de parler des ressources dont dispose l’entreprise, mais aussi des compétences qu’elle possède pour les mobiliser.
Au total, pour se développer, l’entreprise aura intérêt à proposer des produits et services qui s’appuient sur les ressources et compétences qu’elle maîtrise et grâce auxquelles elle surpasse ses concurrents. À titre d’exemple, on peut considérer qu’Apple dispose d’au moins deux compétences singulières et différenciantes : d’abord en termes de conception, Apple est capable de fournir des produits esthétiques et au design original ; ensuite, en termes de réputation, Apple dispose d’une excellente image de marque très spécifique auprès du grand public.
À ce jour plusieurs développements théoriques insistent sur la nécessité d’intégrer à la réflexion stratégique l’ensemble du spectre des ressources qu’une entreprise est capable de mobiliser. Il s’agirait donc de ne pas se focaliser sur les seules ressources stratégiques, aux attributs VRIN, rares par définition, et finalement minoritaire comparé à la quantité de ressources réellement mobilisées. Il faut également réfléchir à une exploitation optimale des ressources ordinaires, y compris de ressources parfois perçues négativement. Je pense par exemple ici au succès d’une société comme McDonald’s qui repose certes sur la maîtrise d’actifs stratégiques (savoir-faire marketing, approvisionnement local ou encore standardisation des processus), mais aussi sur sa capacité à employer une main-d’œuvre relativement peu qualifiée (donc une ressource ordinaire), et à gérer un turn-over très important tout en maîtrisant sa qualité de service. On peut aussi évoquer des plateformes internet comme Vente-privée.com dont la stratégie repose précisément sur l’accès privilégié à des stocks d‘invendus de grandes marques.
Entre l’approche par les ressources et l’analyse concurrentielle on a pu parler de guerre des écoles, Chicago contre Harvard. En tout état de cause, il s’agit bien dans les deux cas de mettre en face un avantage concurrentiel défendable en élevant des barrières à l’entrée face aux entreprises potentielles rivales pour obtenir des performances supérieures. De fait, ces deux approches sont plutôt complémentaires et s’enrichissent mutuellement.
Publié le lundi 02 octobre 2017 . 0 min. 03
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