Igor Ansoff proposait aux dirigeants de se préoccuper de combler ce qu’il appelait le gap stratégique.
Dans sa vision planificatrice des années 60, il recommandait au dirigeant de fixer à l’entreprise un objectif ambitieux de performance à un horizon donné, par exemple 3, 5 ou 10 ans selon les secteurs. Il en déduisait l’écart entre l’objectif de performance fixé et ce que serait la performance obtenue si l’on continuait en l’état, sur la trajectoire actuelle. Puis il faisait analyser quelle part de cet écart pourrait être comblée par un plan opérationnel. On reconnait là les plans d’aujourd’hui, qu’il s’agisse de plans de productivité et de réduction des coûts, d’optimisation de la Supply Chain et des opérations, de maîtrise des processus, de restructuration, comme nombre de groupes en lancent périodiquement. L’écart restant entre l’objectif ambitieux de performance fixé à moyen terme et la trajectoire de performance rendue possible par un plan opérationnel constitue ce que Ansoff désignait comme le gap stratégique.
Raffinement stratégique
Pour combler l’écart stratégique, Ansoff considérait que le dirigeant, on parlerait aujourd’hui de l’équipe dirigeante, devait opérer sur le registre de la stratégie et puiser dans la boite à outils des solutions stratégiques. En ce sens, il concevait l’écart stratégique comme le terrain de jeu des stratèges.
Il s’agissait alors non plus seulement de se demander comment mieux faire ce que l’on fait déjà, mais aussi de s’interroger sur les façons de le faire différemment et sur les options pour faire autre chose, en plus ou à la place des activités existantes.
Ceux qui l’ont bien connu rapportent qu’Igor Ansoff n’était pas aussi planificateur que ses écrits pourraient le laisser penser. Mais si l’on s’en tient à ses écrits, il avait la plume planificatrice. Et l’idée même de gap stratégique résulte bien d’une vision planificatrice : annoncer le futur désiré et imaginer des plans pour y parvenir. Alors que l’esprit des plans stratégiques est passé de mode, au moins dans le vocabulaire, constatons que les dirigeants lancent qui des plans de performance, qui des plans de transformation, avec la clé, le plus souvent un objectif explicite de rentabilité, type ROCE, ou une cible de croissance à un horizon prédéfini.
L’innovation, terrain de jeu des stratèges
Sans qu’ils aient nécessairement été lus par les décideurs qui conçoivent et conduisent ces plans, tout se passe comme si l’ombre des écrits de Igor Ansoff planait au-dessus de la pratique stratégique présente.
Pourtant, il est possible de réactualiser cette logique de gap stratégique en proposant qu’un des enjeux des dirigeants est de préparer les coups d’après, ceux d’après-demain, et qu’il est souhaitable de pousser l’entreprise à se régénérer, c’est-à-dire à inventer des formes nouvelles d’activités, celles qui feront les succès futurs. Le terrain de jeu des stratèges serait en ce sens plus dans l’innovation, dans l’invention de nouveaux business models, dans des stratégies de rupture pour déplacer les leaders installés sur leurs marchés traditionnels et transformer les secteurs, plutôt que dans le raffinement sans cesse repensé d’une même stratégie dans le même secteur comme si les règles du jeu pouvaient y rester éternelles.
Dit autrement, le gap stratégique peut être vu comme un aiguillon que le dirigeant inflige à son organisation pour la pousser à se régénérer.
Publié le mardi 28 mai 2019 . 3 min. 32
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