"Vous êtes vice-président en charge des services financiers chez CGI. Xerfi Canal TV vous reçoit aujourd’hui pour évoquer l’impact de la révolution numérique sur le secteur de l’assurance. Les attentes des clients évoluent, les assureurs doivent s’adapter.
Quelles sont ces nouvelles attentes clients ? Comment ont-elles évolué ?
Vous avez raison sur un point, le client est au cœur du sujet digital pour les assureurs, et il l’est même à deux titres. D’une part, et c’est déjà une réalité, du fait de l’évolution de son comportement d’achat… Et d’autre part, et là c’est plus une projection dans le futur qu’une réalité tangible aujourd’hui, parce que l’assuré est l’objet de multiples convoitises... Et ces convoitises pourraient même modifier la chaine de valeur du métier de l’assurance en faisant la place à de nouveaux entrants.
Si je comprends bien votre premier point, vous parlez d’un « assuré digital » qui existe déjà. A quoi ressemble-t-il ?
Pour moi, on peut le définir de la façon suivante… D’abord, il est « Multi… » : multi canal, multi devices… et surtout… multi exigences. Pour faire simple il veut… du confort (« quand je veux »… et surtout… pas aux heures ouvrées / « où je veux »… et surtout chez lui…), de l’autonomie, en particulier en ayant la possibilité de benchmarker lui-même les offres du marché… Et dernier point, il demande à son assureur une réelle proximité et un vrai rôle de conseil…
C’est-à-dire ?
Pour illustrer, il y a peu de chances que vous souscriviez une assurance vie multi support sans en parler d’abord de vive voix à quelqu’un… Et, de la même manière, il y a fort à parier que vous ayez besoin de parler à votre assureur si vous subissez un sinistre. Ce besoin de contact et de connaissance client est renforcé par la faible fréquence des actes (on ne souscrit pas une assurance tous les jours, heureusement, on n’a pas non plus un sinistre tous les jours.)
J’ai du mal à comprendre le lien entre cet assuré 2.0 et les nouveaux entrants qui viendraient modifier la chaine de valeur du métier de l’assurance…
C’est parce qu’il vous manque un élément. Et cet élément, c’est la conjonction de l’essor des objets connectés et de l’augmentation faramineuse des capacités d’analyse notamment des données… En clair : les géants du digital (Apple / Amazon / Google…) pourraient très bien dans un futur proche proposer des contrats d’assurance parfaitement ciblés à leur ENORME base client… Imaginez l’impact d’un courtier qui s’appellerait Google...
L’image est quand même un peu décalée…
Oui, je sais bien… mais c’est un bouleversement de la dimension de « la grande distribution » arrivant dans le commerce de détail.Ça c’est demain… mais si on tire le trait encore plus loin, pourquoi ne pas imaginer un constructeur automobile qui produirait des véhicules connectés, qui proposeraient un contrat adapté au besoin du client.
Et on pourrait aller plus loin transposant ce scénario dans tous les domaines…
Oui en effet, des entreprises de construction ou même des entreprises de facilities management pourraient, grâce à la domotique, entrer sur le marché de l’assurance habitation. Vous pourriez alors avoir une désintermédiation complète entre l’assureur et ses clients finaux. C’est peut-être un peu excessif, mais ce qui est sûr, c’est qu’il existe un risque majeur sur lesquels les assureurs ne peuvent pas faire l’impasse. Laisser libre champ à ces nouveaux entrants serait la porte ouverte à une redistribution complète des cartes avec une pression sur les marges des assureurs qui serait subie et non « pilotée » en les cantonnant (dans les pires scénarios) à un rôle de producteur subissant la pression de ces nouveaux distributeurs.
Alors, comment les assureurs peuvent-ils répondre à cette situation ?
De mon point de vue, et certains ont déjà engagé des réflexions dans ce sens, il y a deux axes possibles (qui peuvent se conjuguer). Premièrement, aujourd’hui, les assureurs ont la base client – et c’est un atout maitre - parce que les objets connectés et les capacités d’analyse leur sont également accessibles. Ils peuvent ainsi offrir légitimement à leurs clients les nouveaux produits et services que rendent possibles ces objets, cette masse de données et leur exploitation. D’une certaine manière, c’est une course de vitesse.
Une course de vitesse ? Qu’entendez-vous par là ?
Si les assureurs utilisent le levier de leurs données client (incluant les possibilités qu’offrent les objets connectés) et qu’ils profitent de la rupture technologique avant les autres, alors, il est probable qu’ils gardent un temps d’avance en rendant le « ticket » d’entrée sur le marché excessif. Le second axe revient aussi à faire fructifier sa base client en se positionnant comme « broker de services ». Par exemple, vous avez un accident, je vous propose une voiture ou tous les services liés à la santé ou à la dépendance… Cela me semble être une stratégie de valeur assez pertinente... Pour user d’un slogan, je dirais que l’on pourrait passer de l’assurance à la « rassurance ».
Quelles sont les conséquences de ce passage de l’assurance à la « rassurance » pour les acteurs ?
Réussir ce virage, et emprunter le chemin de cette stratégie de valeur pourrait même conduire à un renforcement de la place des assureurs. Comme souvent, à risque élevé… opportunité élevée… Et je crois que c’est ces champs des possibles qui rendent la situation actuelle passionnante."
David Kirchhoffer, Le numérique révolutionne l’assurance,une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le mardi 28 avril 2015 . 6 min. 34
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