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L'inflation ressuscite le conflit sur le partage de la valeur

Publié le lundi 22 mai 2023 . 5 min. 34

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L’inflation s’enkyste c’est un fait. Dans le cas français elle est même montée d’un cran au cours des derniers mois. Si l’on exclue ses composantes les plus volatiles que sont l’alimentaire et l’énergie pour se centrer sur sa part la plus récurrente, elle se place désormais sur une orbite de 6%. La fièvre ne retombe pas d’elle-même et les effets du resserrement monétaire tardent à se faire sentir. Nos économies vont devoir vivre avec encore un certain temps.

Après des décennies de detox,  l’inflation semblait pourtant appartenir à un temps révolu. Nos banques centrales indépendantes avaient fait de la cible des 2% l’Alpha et l’Omega de la stabilité financière de nos économies, et il nous semblait qu’au-delà de cette frontière surgiraient des monstres. Car c’est tout l’édifice de la valorisation des actifs, adossé à une dette de plus en plus vertigineuse, que sa résurgence risque de dynamiter. L’inversion du long mouvement de décrue des taux d’intérêt, dans le sillage de la désinflation depuis 40 ans, ne peut qu’entraîner une décente aux enfers de la finance, embarquant l’économie dans un chaos inévitable. Et sans même pousser si loin le catastrophisme, nos cerveaux étaient restés bloqués sur le syndrome de la stagflation. L’inflation entraîne des biais de distribution en faveur de ceux qui sont les mieux armés pour affronter le rapport de force du partage de la valeur. Soit ce sont les salariés qui gagnent, appuyés par des syndicats puissants et ce sont alors les profits qui trinquent au détriment de l’investissement et de la croissance. Soit ce sont les entreprises, et alors c’est la demande qui vacille, plombant l’économie. Bref rien de bon ne peut surgir le l’inflation, si ce n’est une érosion lente de la dette. Un processus dangereux, puisqu’il s’accompagne d’une dépréciation des prix d’actif qui, elle, risque d’être brutale et massive.

Nous y sommes, et le scénario n’a pas la virulence attendue. Les agents s’adaptent, avec une agilité sous-estimée. Les entreprises les mieux armées transforment l’inflation en aubaine pour accroître leurs marges. Face à la menace d’explosion sociale, l’État met au pot pour sauvegarder le pouvoir d’achat. Et les marchés conscients de leur pouvoir de nuisance en cas de remontée durable des taux, parient sur la bienveillance des banques centrales et une normalisation des choses à horizon raisonnable. Les risques restent suspendus sur nos têtes, comme une épée de Damoclès mais demeurent à l’état latent.

Et l’on prend surtout la mesure de la portée politique d’un changement de régime inflationniste. Vivre sans inflation c’est d’abord faire de l’emploi la variable d’ajustement centrale des entreprises en cas de choc. En bas régime, quand les marges sont menacées, c’est par le dégraissage des effectifs ou par la pression sur les prix et donc la productivité des sous-traitants, qu’une entreprise assure sa survie. En inflation zéro, en effet, augmenter ses prix pour renforcer ses marges est un signal tabou, qui menace la réputation et les parts de marché d’une marque. Baisser le niveau absolu des salaires est aussi quasi impraticable. Et ces options limitées créent une pression particulière sur les salariés. Un stress qui renforce le pouvoir des entreprises en matière salariale.

Vivre, sans inflation c’est ensuite déplacer la question du partage des fruits de la croissance sur celui de la productivité. L’inflation zéro relègue au second plan la question de la sauvegarde du pouvoir d’achat. Et ce que met en scène la négociation, c’est la redistribution des gains de productivité, qui va de pair avec l’idée de mérite, d’individualisation de la rémunération, de variabilité, de décentralisation de la négociation au sein de chaque entreprise. Avec une opacité qui tient au fait que la productivité n’est pas quantifiée au sein de l’entreprise et que son individualisation relève de l’arbitraire au sein de structures complexes. Et face à un objet de partage dont le salarié ne peut s’emparer, c’est finalement le capital qui sort gagnant. La réussite du collectif récompense d’abord les managers et se transforme en dividendes et plus-values.

La résurgence de l’inflation nous rappelle que le conflit de partage se résout tout autrement en régime d’inflation. La question de l’indexation sur les prix devient cruciale, transversale à tous les salariés. Si les négociations étaient centralisées par le passé, supervisées par l’État, si les syndicats occupaient un rôle central dans la négociation, c’est précisément que l’enjeu était collectif. L’inflation fait ressurgir le conflit de partage à l’ancienne, les solidarités de classes, qui peuvent mettre dans la rue des bataillons entiers de salariés du public comme du privé, traversés par le même intérêt commun.

C’est en cela qu’elle constitue une bombe. Car c’est tout l’édifice institutionnel  de la capture de la valeur par le capital qu’elle menace. A ce jour, le capital joue gagnant. Les profits augmentent. Les salaires ne s’indexent que partiellement et avec un temps de retard. Mais cela ne durera pas. Toute la gouvernance savamment mise en place en régime de basse inflation risque d’imploser. Et c’est d’abord en cela que l’inflation est intolérable pour le capitalisme financiarisé.


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