Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
Dans notre goût pour l'autodépréciation, cela ne fait aucun doute : la France est incapable de réformer son marché du travail et demeure une terre de rigidité qui est fatale à sa compétitivité. En atteste le classement OCDE français en matière de protection de l'emploi, qui fait référence en la matière. Rien ne bouge, rien ne se fait. La ritournelle de l'incurie française commence cependant à être en décalage avec les faits.
Il y a d'abord l'intérim, dont le développement en 20 ans a créé un véritable instrument d'adaptation rapide des effectifs. A chaque choc ou rechute de l'activité depuis 6 ans, deux tiers de l'ajustement instantané de l'emploi a été le fait de l'intérim. L'intérim est devenu de fait la principale modalité d'ajustement à court terme de l'emploi en France, notamment dans le secteur industriel et la construction qui concentrent 2/3 de ce type d'emploi.
Il y a ensuite les nouveaux instruments légaux que constituent notamment la rupture conventionnelle ou les contrats d'embauche à objet défini. Si ces derniers ne sont pas encore évalués, les premiers ont considérablement simplifié et sécurisé la procédure de licenciement individuel pour les entreprises : on en dénombre près de 27 000 par mois, soit 320 000 par ans. Ils représentent aujourd'hui 16 % des ruptures de CDI.
Il y a maintenant les avancées de la loi de sécurisation de l'emploi de juin 2012 qui a assoupli le licenciement collectif. Et qui a aussi considérablement réduit les délais de prescription pour les actions qui portent sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail, dans un but non pas de sécuriser l'emploi mais plutôt de sécuriser l'employeur : le délai de prescription est désormais de 2 ans et non plus 5 ans.
Et que constate-t-on aujourd'hui ? Que la baisse récente du chômage est effectivement le fruit d'un basculement du chômage vers de l'activité réduite, CDD et intérim. Dans cette phase encore très fragile de la reprise et sur fond de faible croissance, la sortie du chômage s'opère bien plus rapidement que par le passé. Sur la base d'un travail fragmenté et précaire. Finalement, peu à peu, comme d'autres pays, la France a su bâtir des instruments de transition du chômage vers l'emploi. Sur la base de petits jobs certes, mais aucun pays n'a trouvé mieux jusqu'ici. Notamment l'Allemagne.
Car en définitive en se réformant, la France se rapproche du standard international qui n'a rien d'idéal. Les performances en matière de chômage sont aujourd'hui les meilleures dans les pays qui ont mis en place des politiques de minijobs ou équivalent, c'est-à-dire des politiques d'insertion de la main d'?uvre la moins qualifiée sur la base de statuts socialement « dérogatoires », favorisant l'emploi partiel court et fragmenté, comme le montre la corrélation suivante entre le chômage et le temps partiel de courte durée. Le chômage est faible, là où l'emploi est le plus fragmenté. Autrement dit, une dualité se substitue à une autre : une dualité à l'intérieur de l'emploi entre travailleurs précaires et salariés stables, versus une dualité entre insiders et outsiders de l'emploi, autrement dit entre personnes occupant un emploi et chômeurs. Qu'on le veuille ou non, le développement des emplois fragmentés, des statuts atypiques, des horaires décalés, sont pratiquement la seule arme efficace contre le chômage (au sens du BIT) dans le monde développé.
C'est le bilan ambigu ne nos progrès. Nous progressons, mais pas vers le meilleur des mondes. La sécurisation des parcours reste à bâtir, comme dans la plupart des pays développés d'ailleurs.
Olivier Passet, Le marché du travail plus flexible qu'on ne le dit, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 10 décembre 2013 . 4 min. 06
Mots clés :
Emploi, salaires, travail
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