Une purge se prépare dans le conseil aux entreprises. Le Syntec a tiré la sonnette l’alarme en préambule de l’accord sur l’activité partielle signée en septembre 2020 : 70 000 emplois seraient menacés, soit 6 à 7% des effectifs de la branche « bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseil ». Et c’est sans compter tous les emplois et stages qui ne seront pas créés et les effets en chaîne sur la réputation des acteurs : le conseil en stratégie et management est en effet historiquement le plus gros recruteur à la sortie des grandes écoles… Après le faste des années 2010 où certains segments affichaient des taux de croissance à deux chiffres, la donne a complètement changé dans le conseil et c’est l’incertitude radicale et l’accroissement des risques qui dominent.
1er risque : les stop and go de l’économie. Traditionnellement, l’activité du conseil suit le cycle économique, en amplifiant les phases de croissance et de récession. On comprend qu’un sérieux dévissage se profile pour le secteur avant qu’il ne se reprenne en 2021… ou non, car les entreprises clientes naviguent à vue avec le cycle infernal des confinements/reconfinements. Lourdement endettées, lestées de bilans dégradés, elles sacrifieront leurs investissements jusqu’à ce que le contexte sanitaire se stabilise. Elles se passeront alors des consultants, si elles le peuvent, pour se focaliser sur le nerf de la guerre : leur trésorerie.
2e risque : la spirale déflationniste. Conséquence logique de la mise sous cloche de l’économie, la taille des équipes de consultants devient surdimensionnée. Un cercle vicieux peut alors s’enclencher : baisse des prix des prestations pour décrocher des contrats et occuper tout le monde en interne, baisse des marges, démotivation des talents, baisse de la qualité, baisse des prix... Les pressions déflationnistes ne sont pas nouvelles : elles étaient déjà à l’œuvre bien avant-crise avec l’implication croissante des fonctions Achats dans le processus de contractualisation qui surpondèrent le critère « prix » lors de la sélection des prestataires. En période de crise, ce phénomène va s’intensifier et la tentation sera forte pour les cabinets de sacrifier leurs taux journaliers pour gagner des missions, au risque de s’exposer à l’avenir à un effet cliquet : il sera en d’autres termes très compliqué pour les cabinets de faire machine arrière demain s’ils cassent aujourd’hui les prix.
3e risque : l’hyper-concurrence. Car l’évaporation de la croissance de certaines practices ou marchés va pousser les cabinets à chasser sur les mêmes terres fertiles : transformations numériques et écologiques, redéfinition du marketing stratégique, restructuration d’entreprise ou encore sur les rares marchés résistants comme l’agroalimentaire, la santé, la banque/finance... Autant dire que de nombreux cabinets vont abandonner les silos et niches qui les préservaient d’une concurrence trop frontale pour converger vers les mêmes terrains de jeu. Ce phénomène n’est pas nouveau. Big Four de l’audit, géant du conseil comme Accenture, cabinets de conseil en stratégie comme McKinsey, ESN comme Capgemini ou groupes de communication comme Publicis et Havas croisaient déjà le fer avant-crise de plus en plus régulièrement. La faute sans doute à la transformation numérique qui donne le primat à la technologie, aux données et à l’intelligence artificielle au sein de toutes les problématiques organisationnelles.
Si elle semble inéluctable, la convergence des grandes galaxies du conseil fait courir un risque marqué d’indifférenciation à tous les acteurs. Dans ce cas, seules des marques réellement fortes pourront surnager dans cet océan rouge de la concurrence… disons même rouge écarlate, car le retour à la « normale » de l’activité n’a rien d’évident : les quelques points de croissance qui manquent aux cabinets seront sans doute très difficiles à récupérer…
Publié le mercredi 09 décembre 2020 . 3 min. 58
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de Philippe Gattet
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