A ceux qui caricaturent notre pays en enfer inégalitaire, l’Insee vient d’apporter un nouveau démenti. La France est une incroyable machine à combler les écarts de revenus par redistribution intensive.
Que dit l’Institut de la statistique ?
Qu’il faut corriger notre vision de la redistribution : elle est encore plus « efficace » qu’affichée. On croyait que grâce aux politiques fiscales et sociales, le rapport entre le revenu moyen des 10% les plus riches et des 10% les plus pauvres passait de 13 à 7. En fait, nous dit l’Insee, il est ramené de 13 à 3.
Reprenons en détails.
Jusqu’à présent, notre vision était que la réduction des inégalités reposait :
– pour deux tiers sur les prestations sociales, du type minima sociaux, prestations familiales ou retraites,
– et pour un tiers sur les prélèvements, comme l’impôt sur le revenu, la CSG et les cotisations sociales.
La nouveauté, c’est que l’Insee a élargi sa focale. En y intégrant…
- d’une part les prélèvements indirects, comme la TVA ou les droits sur le tabac,
- d’autre part, ce qu’elle appelle les transferts sociaux « en nature ». Car, note l’Insee, les services publics de santé, d’éducation ou de logement « jouent un rôle déterminant dans la réduction des inégalités. »
Pour les 10% les plus pauvres, les services en nature contribuent à hauteur de 44% à leur niveau de vie après transferts – six fois plus que pour les plus aisés. C’est l’équivalent de 8800 euros par an et par foyer…
L’Insee peut désormais affirmer que, pour le décile des plus démunis, l’effet redistributif provient pour la moitié, c’est énorme, des transferts en nature. L’institut précise que les ménages modestes et médians bénéficient aussi de la « redistribution élargie. »
De cette nouvelle évaluation, on peut tirer trois enseignements.
D’abord, elle peut expliquer la frustration, voire la colère des Français. Que disaient les Gilets jaunes ? Qu’ils payaient toujours plus pour recevoir de l’Etat providence toujours moins. Ce double effet négatif nourrit l’angoisse du déclassement de foyers affectés dans leur niveau de vie par la dégradation des services publics.
Ensuite, elle illustre la fragilisation du pacte républicain. Que constate-t-on dans un pays à la pression fiscale et au niveau de dépenses publiques les plus élevés au monde ?
Désormais, seuls 43,7 % des foyers fiscaux sont assujettis à l’impôt sur le revenu. Pour les autres, certes soumis à d’autres prélèvements, le lien entre coût et service public ne cesse de se distendre.
Enfin, on mesure mieux l’enjeu de l’efficacité des politiques de redistribution. Or si la France est le pays de l’OCDE qui réduit son plus le taux de pauvreté, le drame, c’est qu’elle affiche un des niveaux les plus élevés de pauvreté avant transferts.
Voilà le scandale. Les ménages les plus démunis pâtissent d’un système éducatif devenu machine à exclure, d’un marché du travail implacable pour les outsiders, d’une formation professionnelle inadaptée et de dispositifs emploi formatés pour entretenir la précarité.
Voilà la vérité : notre Etat-providence est double médaille d’or, des prélèvements à but redistributif et de la pauvreté. Viser une réelle égalité des chances est aussi un moyen de réduire les inégalités de revenus. C’est même le seul combat qui vaille.
Publié le mercredi 30 juin 2021 . 3 min. 52
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