Instruments de pilotage par excellence, les indicateurs clés de performance servent à mesurer le degré de réalisation des objectifs stratégiques que s’est donnée une entreprise, une business unit ou une équipe projet. Ces key performance indicators ou KPI en anglais dépendent des facteurs clés de succès car d’un point du vue théorique un KPI mesure le degré d’atteinte d’un facteur clé succès. Popularisés dans les années 60-70, les facteurs clés de succès comme les KPI se sont très bien intégrés dans les années 80 aux théories des forces du marché et de l’avantage concurrentiel de Michael Porter qui ont durablement marqués la stratégie d’entreprise.
Tout le problème va être de sélectionner des indicateurs de performance pertinents et objectivement mesurables qui permettent au management de bien évaluer la situation et de prendre d’éventuelles mesures correctives pour atteindre les objectifs.
Prenons l’exemple canonique du transport aérien. Cet exemple n’est pas anodin : il s’agit d’un marché extrêmement homogène, très concurrentiel et s’intégrant bien dans la conception porterienne de la concurrence…. Que les compagnies aériennes soient low cost, classiques ou haut-de-gamme, qu’elles desservent plutôt les courts, moyens ou long-courriers, elles doivent toutes maîtriser certains facteurs clés de succès communs. Dans la mesure où elles opèrent essentiellement à coûts fixes, il leur faut impérativement maximiser le rendement de leur flotte, 1) en s’assurant que les avions soient aussi remplis que possibles en utilisant notamment des techniques de yield management, 2) en veillant qu’ils soient autant en exploitation que possible. De ces deux exigences ou facteurs clés de succès découlent deux indicateurs distincts : d’un côté, le taux de remplissage moyen par avion, et de l’autre, le temps moyen passé en vol chaque jour par avion. On comprend ici l’équation complexe que pose la crise du coronavirus aux compagnies aériennes…
Pour que les KPI sélectionnés deviennent un véritable outil de navigation stratégique, il y a deux écueils à éviter :
• D’abord, ces KPI ne doivent en aucun cas mesurer une performance financière, mais bien le degré de réalisation d’un facteur clé de succès. La croissance du chiffre d’affaires, le taux de résultat net, le taux de retour sur fonds propres ou sur les capitaux investis ne sont pas des indicateurs clés de performance, mais des indicateurs clés de résultats. Le mot performance en anglais contenu dans KPI fait référence ici aux termes français conduite ou réalisation et non à celui d’efficacité ou de résultat.
• Second écueil potentiel dans l’usage des KPI : les limiter à un seul outil de benchmarking. C’est un usage possible si la stratégie de l’entreprise consiste à livrer une concurrence frontale aux autres entreprises engagées sur le marché. On comprend alors mieux pourquoi de nombreuses compagnies aériennes divulguent aux investisseurs certains de leurs indicateurs clés. Mais justement, toute entreprise cherche à se différencier afin de réduire le degré d’affrontement concurrentiel, si bien qu’elle doit normalement être amenée à définir certains indicateurs de performance qui lui sont spécifiques.
Lors de la phase délicate de la sélection d’indicateurs clés de performance vraiment pertinents, il faut être très attentif au respect de plusieurs impératifs :
• Il faut que les facteurs clés de succès soient parfaitement identifiés, et régulièrement mis à jour pour correspondre à l’évolution de la réalité du marché et de l’environnement concurrentiel. C’est le cas dans l’aérien ou le ferroviaire à l’ère post-Covid-19 où la massification des flux est devenue problématique, au moins pendant un temps.
• Il est ensuite indispensable de ne sélectionner que les indicateurs les plus critiques. Retenir trop d’indicateurs de performance se traduit par une dilution de l’attention des managers, par une complexité des interprétations et donc par la difficulté de prendre d’éventuelles mesures correctives.
• Ces indicateurs doivent également être très explicites, de telle sorte qu’aucune erreur d’interprétation ne puisse être commise notamment par les managers, et même par les employés eux-mêmes si l’objectif à atteindre dépend de l’organisation dans son ensemble.
• Idéalement enfin, ces indicateurs ne doivent mesurer que l’action de l’entreprise stricto sensu. Il faut donc chercher à écarter l’influence des facteurs externes, comme l’impact de l’évolution de l’environnement conjoncturel, où celui d’un choc externe significatif.
L’essor du cloud computing, des objets connectés et de l’intelligence artificielle ouvrent la voie à une sophistication croissante des indicateurs clés de performance et à la quantification d’indicateurs qualitatifs. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue que de bons indicateurs doivent faciliter la rapidité de la décision et inciter à l’action. Il est donc indispensable que leur mode de construction reste compréhensible par les analystes et le management.
Publié le mardi 13 octobre 2020 . 5 min. 09
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