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Les modèles freemium, c’est-à-dire les offres mêlant gratuit et payant, se sont largement banalisés. La plupart des « Tech », à l’instar des fintech, legaltech, proptech ou des foodtech, en usent pour se créer une audience pour un jour la monétiser. Mais sont-ils pour autant efficaces ?

 

Rappelons tout d’abord que le modèle d’affaires freemium consiste pour une entreprise à proposer une offre gratuite pour le plus grand nombre et une offre payante (premium) pour une population plus réduite. D’un côté, la gratuité du service permet de bâtir de larges audiences, pouvant dégager des revenus publicitaires et constituer une source importante de données, avant de migrer vers le service payant. D’un autre côté, le service payant est souvent basé sur l’abonnement, ce qui garantit des sources de revenus relativement stables et prévisibles. Le paiement à la demande apparait également comme une option assez courante.

 

Derrière ce modèle séduisant se cachent des arbitrages particulièrement délicats à réaliser qui font qu’aucun modèle freemium n’est similaire à un autre, et que le freemium n’est certainement pas un remède miracle.

 

Le spécialiste du sujet Vineet Kumar de l’Université de Harvard rappelle notamment que la définition des services gratuits et payants est particulièrement délicate, et que tout ajustement du curseur provoque du mécontentement et le risque de voir apparaître de nouveaux concurrents. Quand les sites de streaming musical comme Deezer ont introduit des limitations au service gratuit, ils ont rencontré une forte opposition de leurs utilisateurs et favorisé l’émergence d’offres concurrentes elles totalement gratuites. Et inversement, une offre payante devenant tout à coup gratuite fait forcément des mécontents parmi les clients. Ce fut le cas lorsque le groupe Amaury, propriétaire de l’Équipe, a rendu gratuites les fonctionnalités autrefois payantes de ses applications mobiles. L’information devenant gratuite, des start-up ont alors investi le marché avec des services d’agrégation et de curation des contenus parfois payants.

 

Autre défi, celui de gérer de façon efficace deux promesses de valeur différentes. Il est relativement facile de communiquer les bénéfices d’un service freemium basé sur une gratuité contingentée, comme payer pour un accès sans publicité comme le font les plateformes de streaming. Il est en revanche beaucoup plus difficile de faire comprendre les modèles freemium basés sur une montée en gamme, comme par exemple l’accès à davantage de fonctionnalités sur LinkedIn. Autrement dit, plus la nature des services gratuits et payants est différente, plus il est difficile de formuler des promesses de valeur bien comprises par l’utilisateur.

 

Dernier défi majeur enfin, l’estimation du niveau critique d’utilisateurs payants. Le taux de conversion en lui-même n’est pas très significatif. Un taux élevé peut être le signe d’une offre gratuite trop faible qui prive l’entreprise de la monétisation d’une plus large audience. Un taux faible peut être le signe d’une offre gratuite trop généreuse qui pourrait devenir payante, ou d’un service payant mal compris ou sans intérêt. Par ailleurs, le taux de conversion est souvent volatile et rend difficile la modélisation de la croissance et des profits, ce qui peut conduire l’entreprise à investir massivement alors même que la monétisation de ses services diminue, la plaçant en grave difficulté financière.

 

Rappelons à cet effet que de nombreuses start-up technologiques recourant au modèle freemium ne sont aujourd’hui pas rentables. Certaines disparaissent. D’autres fusionnent entre elles. D’autres encore s’allient à des acteurs plus traditionnels pour se créer une légitimité. Certes, l’effondrement des coûts marginaux, suite à l’essor des technologies numériques et de l’intelligence artificielle dans les modèles d’affaires, a rendu le modèle freemium particulièrement attractif. Cependant, il n’offre en lui-même aucune garantie de succès.


Publié le lundi 3 décembre 2018 . 4 min. 02

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