Qu’est-ce que la croissance potentielle ? C’est la croissance tendancielle débarrassée des aléas de la conjoncture et plus rigoureusement, c’est le sentier de croissance que peut soutenir une économie à moyen terme, sans créer de tension forte sur les capacités. Sans que les délais de livraison ne s’allongent à l’extrême, sans que les salaires et les prix ne s’emballent… autrement dit sans qu’il y ait surchauffe. Ce potentiel de croissance dépend de la force de travail mobilisable, du capital installé, et de toute une série d’autres facteurs qualitatifs.
Le PIB est sensé alors s’enrouler autour de ce sentier tendanciel, dont tous les économistes parlent mais qui est inobservable. Alternant des phases de rattrapage, puis de surrégime (autrement dit de surchauffe), puis de sous-régime. Et c’est précisément cette alternance qui fait le cycle, ramenant en moyenne la croissance à son potentiel. L’accélération des prix et notamment des salaires, ou au contraire leur décélération va jouer un rôle décisif dans ce jeu de balancier. Pour un pur statisticien, il suffit alors de lisser la croissance observée pour estimer le potentiel. Sauf que ne connaissant pas l’avenir, il est impossible de dire où se situe vraiment la croissance potentielle au moment présent. La dynamique future du PIB peut changer du tout au tout le résultat.
L’approche économique consiste alors à s’intéresser aux sources de la croissance. A mesurer d’abord le volume de travail mobilisable. Ce dernier dépend de la croissance de la population désireuse de travailler… c’est ce que l’on appelle la population active, qui dépend très largement de la démographie. Mais ce qui intéresse les économistes pour calculer le potentiel de croissance, c’est de quantifier le réservoir d’heures de travail dans lequel les entreprises vont pouvoir puiser. L’évolution de la durée du travail, mais aussi de la part des travailleurs à temps partiel, jouent donc un rôle important pour évaluer cette force de travail disponible. Ensuite, il va falloir aussi estimer et retrancher la part du chômage que l’on considère comme structurelle. C’est-à-dire le chômage qui est dû à l’inadéquation des qualifications, ou à diverses barrières réglementaires ou salariales. Lorsque l’économie se rapproche de ce niveau de chômage, les entreprises peinent alors à recruter, et la pénurie des qualifications pousse les salaires à la hausse. Au-delà de ce seuil, la croissance devient alors inflationniste.
Deuxième facteur clé de croissance : le volume des équipements, des bâtiments et des infrastructures publiques. Ce stock est évalué à partir des flux d’investissements observés sur longue période en faisant des hypothèses sur leur durée de vie et d’utilisation. Le problème est bien là. Il s’agit d’une construction statistique. On ne sait pas ce que les entreprises ont vraiment déclassé, ou inversement jusqu’à quel point elles tirent sur la durée de vie et d’utilisation de leurs équipements.
Reste enfin, tout ce que l’on ne peut observer. Les facteurs immatériels de la croissance : notre stock de connaissance, notre potentiel d’innovation, la qualité des organisations, la capacité des différents acteurs à se mettre en synergie sur un territoire… ce résidu de la croissance que l’on appelle la productivité globale est en fait le facteur clé de la croissance. C’est la croissance qui est due non à l’accumulation quantitative des facteurs de production mais à leur qualité. Et là encore, l’économiste ne sait pas la mesurer directement. Il le fait donc par différence entre la croissance observée à moyen terme et celle qu’il impute à la croissance du capital et du travail ; Puis il fait l’hypothèse que ce supplément de croissance du aux facteurs invisibles reste constant d’une période à l’autre.
La croissance potentielle, c’est donc quelque chose de faussement simple. Une belle bâtisse construite en dur, mais qui repose sur des sables mouvants. Et c’est bien pourquoi elle fait l’objet de querelles byzantines sans fin. 1/ Parce qu’il existe autant d’estimation du chômage structurel que d’économistes, 2/ parce qu’on ne connaît pas la durée de vie réelle du capital, 3/Parce qu’enfin le résidu invisible que constitue la productivité globale est calculé avec des rétroviseurs. Bref, la croissance potentielle est un repère. Mais surtout pas une certitude et encore moins une fatalité.
Publié le jeudi 4 juin 2015 . 4 min. 11
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