L'investissement dans la zone euro

Il faut d’abord revenir sur la baisse brutale de l’investissement productif des années 90. La chute atteindra plus de 13% entre le 1er trimestre 1992 et la fin 93. Rappelons que la crise mondiale a été provoquée par un taux d’endettement trop lourd des entreprises conjugué avec des taux d’intérêts élevés qui laminent leurs résultats. Plus grave pour l’Europe, l’Allemagne est en pleine réunification. Les pays européens, entrainés par la Bundesbank, sont contraints de resserrer leur politique monétaire. Cela fait exploser le système monétaire européen : les dévaluations s’enchainent, ce qui ne va rien arranger sur le front des taux d’intérêt qui atteignent des niveaux records. Les entreprises doivent se désendetter d’extrême urgence, la récession s’installe, le chômage explose, l’investissement productif s’effondre .Il va falloir 6 longues années pour sortir du marasme, et retrouver le niveau d’investissement antérieur à la crise. 6 années pour que les entreprises ramènent leur charge financière à un niveau raisonnable. Les taux d’intérêt auront reflué et l’investissement ne prendra un nouveau départ qu’en 1998 avec l'amélioration de la conjoncture, mais aussi la nécessité de moderniser un parc d’équipement vieillissant. C’est même un boom qui va survenir, dopé par l’euphorie de la nouvelle économie : l’investissement s’envole alors pendant trois ans au rythme de 5,5%. C’est l’exubérance. La bulle éclate au tournant de l’an 2000. L'investissement chute de près de 4% en un peu plus d’un an. Mais la baisse sera finalement de courte durée. C’est le redressement qui se révélera laborieux. Mais à partir de 2005, l’euphorie de la mondialisation provoque une progression fulgurante de l’investissement productif : la progression sera supérieure à 18% entre 2005 et 2008. On pourrait croire que la poussée est générale en Europe : les achats d'équipements industriels s'envolent de 22%, l'investissement construction suit avec un bond de 12%. Mais à creuser les statistiques, il s’agit surtout de la montée en puissance de l’Allemagne dont l’investissement industriel s’envole de 30%. L’Espagne est également euphorique, mais il est vrai en partant de bas. La France est déjà distancée. Mais surtout l’Italie décroche très nettement. La crise financière née aux Etats-Unis va casser la croissance mondiale et provoquer la dégringolade de l’investissement : la chute est brutale : - 17,7% en 24 mois. Pourtant, malgré le cataclysme, le rebond se produit dès 2010. Un rebond de courte durée pour la France, et plus encore en Italie et en Espagne. Par contre, l’Allemagne tirée par les besoins d’équipements des émergents poursuit son élan. L’investissement y progresse de 14% entre le début 2010 et la fin 2013 Mais l’effet cumulatif des cures d’austérité en Europe, et le ralentissement économique mondial provoque une rechute en 2014. Cette fois, l’Allemagne aussi est touchée, d’autant que le marasme européen se conjugue avec les difficultés des émergents, la concurrence japonaise et la crise ukrainienne. Bilan pour la zone euro : à la mi-2014, le niveau d’investissement atteint à peine celui du début 2000. Malgré tous les efforts de la Banque Centrale Européenne, le désendettement des entreprises, le niveau historiquement bas des taux d’intérêt, on voit mal comment l’investissement productif pourrait redémarrer spontanément, sans une coordination des politiques économiques au sein de la zone de la zone euro.

Le Graphique, L'investissement dans la zone euro, une vidéo Xerfi Canal